Quelles sont les caractéristiques du stress chronique ?

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Mis à jour le 22 mai 2018

Chez l’animal, la détection d’un danger (odeur de fumée, vue d’un prédateur, bruit de balle) par les organes sensoriels (nez, œil, oreille) déclenche une alerte maximale du cerveau qui initiera une série de processus extrêmement complexes appelés « réaction de combat et de fuite ». En activant les glandes surrénales, le cerveau contrôle la libération d’hormones d’action telles que l’adrénaline dans la circulation sanguine, ce qui augmente le taux de respiration, le flux d’oxygène vers les tissus, ainsi que le niveau d’éveil et d’attention du cerveau, ce qui contribue à combattre ou à échapper au danger rapidement. C’est un stress biologique, essentiel à la survie de l’individu et, à travers lui, à celle de son espèce. Selon la durée des réactions métaboliques, trois catégories d’effets peuvent être distinguées : 1) les effets immédiats causés par la génération d’adrénaline et de noradrénaline par le système nerveux sympathique (durée de quelques secondes) ; 2) les effets intermédiaires résultant de la sécrétion d’adrénaline et de noradrénaline par la moelle des glandes surrénales (durée : quelques minutes) ; 3) effets prolongés causés par l’axe hypothalamo-hypophysaire-surrénalien (ou axe corticotrope), vasopressine et thyroxine (durée : quelques heures, jusqu’à des semaines).

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Axe corticotrope En cas de situation stressante, le système limbique (amygdale, hippocampe) produit des signaux neuraux dans le cerveau et les transmet à l’hypothalamus (voir Figure 1).

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Figure 1. Axe corticotrope. Adapté de Managing Stress, 2015.

En réponse à ce signal, l’hypothalamus sécrète l’hormone de libération du cortinol (CRH) qui active l’hypophyse, une glande endocrine qui sécrète diverses hormones, notamment adrénocorticotrophine (ACTH). Cette hormone est rapidement reconnue par des récepteurs spécifiques des glandes surrénales, ce qui déclenche la sécrétion de corticostéroïdes (cortisol, aldostérone) et d’adrénaline. La réponse au stress est transmise par ces messagers qui ont pour effet d’augmenter le métabolisme (plus de sources d’énergie) et la pression artérielle. Le cortisol augmente la pression artérielle, la glycémie et supprime le système immunitaire. Les catécholamines (adrénaline et noradrénaline) facilitent une utilisation rapide et puissante des muscles. L’adrénaline se lie aux récepteurs des cellules hépatiques et stimule la production de glucose. Le cortisol induit également la transformation des acides gras en sucres et la gluconéogenèse (production de glucose à partir de glycogène), permettant un apport important d’énergie aux muscles pour échapper ou combattre la situation génératrice de stress.

Stress intense et ses effets sur le cœur Le stress intense a un effet très important sur le système nerveux autonome sympathique qui provoque une grande stimulation du cœur directement, ainsi que par le biais d’hormones telles que l’adrénaline. Ces changements accélèrent le rythme cardiaque, provoquent de graves arythmies cardiaques ou peuvent provoquer la contraction des artères coronaires. Un bon exemple de l’impact négatif du stress est l’augmentation spectaculaire de la mortalité subite à la suite d’un événement tragique : dans les semaines qui ont suivi le tremblement de terre de Sendai et le puissant tsunami qui a dévasté cette région du nord-est du Japon en 2011, le nombre de personnes décédées subitement a doublé par rapport au précédent années, une tendance qui s’est poursuivie au cours des trois semaines qui ont suivi le choc initial (figure 2). Il y a également eu une augmentation de la mortalité subite suite à d’autres tremblements de terre majeurs (voir ici et ici), illustrant la façon dont la réponse La résistance physiologique au stress aigu peut avoir un impact négatif sur le cœur.

Figure 2. Augmentation du nombre d’arrêts cardiaques lors du grand tremblement de terre de l’est du Japon en 2011, dans les trois préfectures les plus touchées (Iwate, Miyagi, Fukushima) . Source : Kitamura et coll. (2013).

Les personnes qui ne souffrent pas de maladie coronarienne mais qui subissent un stress émotionnel sévère peuvent souffrir de syndromes connus sous différents noms : « syndrome du cœur brisé », syndrome tako-tsubo, syndrome de distension apicale transitoire du ventricule gauche, regard myocardique et « cardiomyopathie due au stress neurogène ». Ces syndromes, qui présentent des caractéristiques physiopathologiques communes, sont regroupés sous le terme « cardiomyopathies induites par le stress ». Cardiomyopathies Le stress induit sans atteinte neurologique touche principalement les femmes (80 à 90 % des patients), en particulier les femmes ménopausées. Dans la plupart des cas, le stress émotionnel ou physique est survenu avant l’apparition des symptômes. Décrit à l’origine en 1990 par des cardiologues japonais, le syndrome de tako-tsubo survient lorsqu’une personne est exposée à un stress important ou à de très mauvaises nouvelles et développe soudainement une douleur thoracique intense, secondaire à un infarctus du myocarde. Si la personne survit (comme c’est souvent le cas), un infarctus aigu du myocarde survient à son arrivée à l’hôpital, mais sans aucun dommage artériel, c’est-à-dire sans obstruction des artères coronaires. Le nom « tako-tsubo » vient de la forme du ventricule gauche examiné par angiographie (Figure 3) qui a la forme d’un vase (, tsubo) qui ressemble à un piège que les pécheurs japonais utilisent pour attraper des pieuvres (,Syndrome du cœur brisé ou syndrome de tako-tsubo tako). Cela est dû à de graves dommages au ventricule gauche, qui est la région du muscle cardiaque qui pompe le sang artériel vers le corps. Plusieurs déclencheurs ont été identifiés au fil des ans, la plupart associés à de fortes émotions négatives telles que la douleur, la colère ou la peur. Cependant, des résultats récents indiquent que de fortes émotions positives (mariage, victoire d’une équipe sportive) peuvent également provoquer l’apparition de ce syndrome.

Figure 3. Illustration à gauche : images angiographiques d’un cœur d’une personne souffrant d’un tako-tsubo. Photo droite : Le piège à poulpes (tako-tsubo) utilisé par les pêcheurs au Japon.

Stress chronique Hormis ces exemples assez extraordinaires qui démontrent les effets dramatiques que le cerveau et nos émotions peuvent avoir sur cœur, des milliers d’études ont été publiées sur l’effet du stress chronique, des émotions négatives, de l’anxiété, de la dépression, de la colère et de l’hostilité, sur l’incidence des maladies coronariennes à terme. Dans les années 1940 et 1950, les premiers psychosomatiques, c’est-à-dire les psychiatres (généralement des psychanalystes), se sont intéressés aux caractéristiques psychologiques qui semblaient être associées aux patients atteints de maladies coronariennes. Plus tard, dans les années 1960, deux cardiologues, R.H. Rosenman et Meyer Friedman, ont décrit la personnalité de type A, c’est-à-dire des personnes pressées, impatientes et ayant de la difficulté à gérer leur agressivité. Ce type de personnalité semblait lié à l’apparition d’une maladie coronarienne, mais ce lien est encore très controversé aujourd’hui. Les recherches sur le sujet suggèrent qu’il s’agit plutôt de deux composantes présentes dans les personnalités de type. A, la colère et l’hostilité, qui sont des facteurs de risque majeurs. En fait, une méta-analyse de 25 études a montré que ces deux émotions sont associées à un risque accru d’infarctus du myocarde. Ils sont également liés à un risque accru de récidive selon 19 études impliquant des patients ayant déjà subi une crise cardiaque.

Malgré de nombreuses observations démontrant l’existence d’un lien étroit entre le cerveau et les maladies cardiovasculaires, ce sujet est passé relativement sous le radar des cardiologues jusqu’à la publication de l’étude INTERHEART menée par le cardiologue canadien Salim Yusuf. Réalisée auprès de plus de 24 000 personnes vivant dans 52 pays différents, cette étude approfondie visait à déterminer les principaux facteurs de risque d’infarctus du myocarde. À l’origine, le Dr Yusuf souhaitait se concentrer sur les principaux facteurs de risque classiques (cholestérol, hypertension, obésité abdominale et tabac), mais a décidé, bien qu’il n’y croyait pas, d’analyser également les mesures de stress perçues ou objectivées chez les patients. Un ajout pertinent, car l’étude a montré que le stress « psychosocial » est en fait associé à un risque accru d’infarctus du myocarde et que cet effet, bien que moins important que le tabagisme, est comparable à l’effet de l’hypertension et de l’obésité abdominale. Le Dr Yusuf a conclu son article en notant que les facteurs psychosociaux sont bien plus importants que ce qui avait été reconnu jusque-là et qu’ils peuvent contribuer à une proportion « substantielle » d’infarctus du myocarde dans toutes les sociétés. Divers mécanismes peuvent expliquer l’effet du stress sur le système cardiovasculaire et, en particulier, sur les artères coronaires : inflammation, augmentation de la coagulabilité du sang, diminution de la fibrinolyse (capacité du sang à dissoudre les caillots), ainsi qu’une augmentation des catécholamines circulantes (hormones adrénaline et noradrénaline)) qui, entre autres, accélèrent le cœur et augmentent sa force de contraction.

Figure 4. Effets physiopathologiques du stress psychosocial aigu. Selon Piña et coll., J. Am. Coll. Cardiol. 2018.

Dépression et maladies cardiovasculaires En ce qui concerne la dépression, plusieurs études affirment qu’un état dépressif après un infarctus du myocarde augmente le risque de mortalité dans les mois suivant la sortie de l’hôpital. Une étude menée à l’Institut de cardiologie de Montréal par le Dr François Lespérance et ses collègues a montré que la présence de dépression chez les patients hospitalisés après un épisode d’angor instable multiplie le risque de récidive fatale ou d’infarctus dans l’année suivant la sortie de l’hôpital.

Bien que le stress et la dépression soient désormais reconnus comme des facteurs de risque majeur de maladies cardiovasculaires, les études portant sur le traitement de ces affections par des antidépresseurs ou des anxiolytiques n’ont pas donné de résultats concluants. Il s’agit d’un problème considérable, car entre 30 et 40 % des patients présentent des symptômes dépressifs après un infarctus du myocarde, ce qui peut augmenter considérablement le risque de récidive et de décès prématuré s’ils ne sont pas traités correctement. Il existe également un taux élevé de dépression après une chirurgie cardiaque. Au Centre EPIC de l’ICM, nous avons observé au cours des 30 dernières années qu’un programme de réadaptation cardiaque qui comprend un entraînement physique effectué deux ou trois fois par semaine, sur place, en centre, avec un groupe de patients atteints de maladies similaires, améliore considérablement les sentiments dépressifs et contribue à dépression des sentiments dépressifs. Diminution du stress après une crise cardiaque ou une intervention chirurgicale. Quand à On demande aux gens ce qui est le plus important pour eux après un infarctus du myocarde, beaucoup disent qu’ils aimeraient tout d’abord « réduire leur stress ». Les patients sont également souvent convaincus que le stress qu’ils subissent est la principale cause de leur maladie cardiaque.

Afin de prévenir efficacement les récidives, tout doit commencer par le cerveau, car une fois le stress et les états dépressifs bien « gérés » et les priorités redéfinies, les patients sont prêts à apporter des changements significatifs à leur mode de vie. Malheureusement, les patients issus de milieux socio-économiques défavorisés éprouvent des difficultés sur lesquelles la médecine seule a peu d’influence ; ce sont ces patients qui bénéficient le moins des programmes de prévention pour de multiples raisons économiques et sociales. Ce phénomène est bien documenté dans tous les pays occidentaux. La pauvreté reste le principal facteur de risque pour mortalité prématurée.

Gestion du stress Comment pouvons-nous changer notre mode de vie lorsque notre état psychologique est instable ? D’après mon expérience, les patients qui réussissent le mieux sont ceux qui ont réussi à apporter ces changements de manière assez radicale, soit par eux-mêmes, parce qu’un infarctus du myocarde ou une chirurgie cardiaque ont été le déclencheur d’un interrogatoire, soit avec l’aide d’une équipe multidisciplinaire et d’un programme de gestion du stress. Au cours de la dernière décennie, nous avons utilisé l’approche développée par Jon Kabat-Zinn du Center for Mindfulness de la faculté de médecine de l’Université du Massachusetts à Boston, qui utilise ce que l’on appelle la « réduction du stress basée sur la pleine conscience » ou « la réduction du stress basée sur la pleine conscience ». Il s’agit d’une approche assez intensive qui prend la forme d’ateliers hebdomadaires d’une durée de deux heures et demie sur 8 semaines. Au centre de l’ICM EPIC, ces ateliers sont animés par le Dr Robert Béliveau et d’autres professionnels expérimentés dans cette approche. Cette méthode a fait ses preuves depuis plus de 25 ans et de nombreux articles scientifiques ont prouvé son efficacité, non seulement pour réduire le stress et améliorer la qualité de vie globale, mais également pour prévenir les récidives après une crise cardiaque. Par exemple, une étude indique que la pratique de la méditation pendant 20 minutes, deux fois par jour, réduit de moitié les rechutes après une crise cardiaque au cours des cinq prochaines années. En gérant bien mieux le stress, les patients facilitent la mise en place de tous les changements nécessaires pour éviter les récidives.

Devons-nous également utiliser cette approche en prévention primaire, c’est-à-dire avant de tomber malade ? La réponse est oui, absolument. Les personnes présentant de nombreux facteurs de risque ou dont la qualité de vie est médiocre en raison du stress peuvent grandement bénéficier de cette approche axée sur la pleine conscience. J’encourage le lecteur à documenter sur ce sujet : de nombreux livres sont très accessibles (Christophe André : Méditer jour après jour, Matthieu Ricard : L’art de la méditation, Jon Kabat-Zinn : Au cœur de l’agitation, pleine conscience), et Rick Hanson : Hardwiring Happiness).

Ce que les neurosciences nous ont appris, et que Rick Hanson décrit très bien dans son livre Hardwiring Happiness (2013), c’est que le cerveau humain a d’abord traversé un stade « reptile » au cours de l’évolution, c’est-à-dire qu’il a fondamentalement renforcé nos réponses au danger pour soutenir notre survie. De toute évidence, le cerveau a évolué et est devenu beaucoup plus complexe à la suite du développement du cortex cérébral, mais les restes de notre cerveau reptilien restent présents. Par conséquent, nous avons tendance à accorder 3 à 5 fois plus d’importance aux événements négatifs qu’aux événements négatifs positif (voir ici et ici). Par exemple, Daniel Kahneman, qui a reçu le prix Nobel d’économie en 2002 pour ses études sur le sujet, a noté que pour une somme d’argent égale, une perte financière est perçue beaucoup plus fortement qu’un profit. En d’autres termes, si vous perdez 1000$ en bourse, l’impact psychologique sera aussi fort que si vous gagniez 5 000$. Il en va de même dans nos relations interpersonnelles : un commentaire négatif ou un comportement envers nous a 3 à 5 fois plus d’impact que son équivalent positif. Cette tendance à surévaluer le côté négatif a permis aux humains de survivre et d’évoluer. Par exemple, s’inquiéter puis s’assurer qu’il n’y a pas de serpents cachés dans un buisson est une situation où la surveillance permet d’éviter une morsure, tandis que l’insouciance du danger peut entraîner la mort. Notre cerveau est donc programmé pour s’inquiéter. Pour bien gérer notre stress et améliorer notre qualité de vie, nous devons travailler activement à la « reprogrammer » afin qu’elle attache plus d’importance aux effets des expériences positives qu’à ceux des expériences négatives.

L’approche suggérée par Jon Kabat-Zinn, Christophe André ou Matthieu Ricard nous permet de prendre du temps libre, d’observer nos réactions physiques et psychologiques, et de modifier nos perceptions et nos comportements. Contrairement à ce que beaucoup pensent, la méditation n’est pas une technique de relaxation ou un moyen de masquer nos problèmes. C’est tout le contraire ; le but est de s’arrêter un moment, de se concentrer sur le moment présent et d’observer ses pensées pour transformer sa pensée. Au lieu d’un moyen de relaxation, il s’agit en fait d’un moyen de transformation.